La nouvelle génération s’implique de moins en moins dans ce beau métier de nos jours

«Pour préserver cet héritage et assurer le legs des anciens, il est impératif que le griot soi d’abord fier de ce qu’il est : être griot mandingue.»

« Je suis né et grandi sous l’ombre de mes parents qui étaient de grands koristes. J’avais aussi des oncles qui jouaient beaucoup d’instruments de musique comme la guitare et le saxophone. Tous ces gens ont toujours été des modèles pour moi et ils m’ont donné ce dont ils ont hérité de leurs aïeuls. Et aujourd’hui, c’est à mon tour de faire le même avec les générations futures.»

Enregistrement fait a la maison du griot Tambanding CISSOKHO le 7 février 2024

« Depuis en étant tout petit, je jouais avec des bouts de bois que je rassemblais sous les arbres pour imiter le jeu du balafon. Après quelques années d’expériences, j’ai commencé à fasciner le grand public à travers des prestations de jembé que mon oncle m’a appris. La passion que j’avais à travers cet art qui m’a tant impressionné, m’a fait abandonner les études dès l’école primaire.»

« Quand j’apprenais à jouer de la kora, je passais au moins six heures à m’exercer sur des notes que mon oncle me donnait. A l’époque c’était un peu difficile comme tout début des cours que je recevais mais j’ai préféré être koriste qui en est une passion et également un rêve dont je voulais vaille que vaille réaliser.»

«S’agissant de la musique traditionnelle mandingue, on pourrait se dire que quelques fois elle est menacée par la musique moderne. De mon point de vue, je vois une interdépendance car l’une ne peut se détacher de l’autre afin d’avoir un style digne de son nom. Je pense bien aussi que la musique traditionnelle comme son nom l’indique sera toujours présente dans les artères de la société et cela dépendra de la créativité du pratiquant.»

Enregistrement fait a la maison du griot Tambanding CISSOKHO le 7 février 2024

«Quant à moi-même je joue d’autres styles musicaux avec ma kora comme les styles Peulh, Bambaras et parfois même le Mbalax. Je joue aussi des morceaux différents que ceux des grands parents lors des évènements traditionnels.»

«La nouvelle génération s’implique de moins en moins dans ce beau métier de nos jours. Il y avait quelques années, je dirigeais une troupe dont certains parmi nous jouaient au Jembé d’autres préféraient danser le ballet. Nous faisions ensemble des prestations dans différentes régions du pays et dans la sous-région comme en Guinée Bissau, en Guinée Conakry et en Gambie. Au fil des années le groupe s’est dispersé et par la suite j’ai décidé de continuer en solo.»

«Pour préserver cet héritage et assurer le legs des anciens, il est impératif que le griot soi d’abord fier de ce qu’il est : être griot mandingue. L’art de jouer de la kora et de l’harmoniser à des paroles n’est pas donné à n’importe qui.»  

A l’autosuffisance alimentaire de mon pays et de mon cher continent

«Mes plus beaux moments d’enfant, c’est lorsque j’étudiais à l’école coranique. Le daara a façonné mon comportement sur la modestie, la patience, la considération à ses proches et à son environnement.»

AVRIL 2023 : KIDIRA

 « Je suis le directeur de l’école primaire de mon village Alahina Bocar. Mais avec le coût cher de la vie, je mène des activités d’agriculture et de maraichage pour subvenir à mes besoins familiaux. Je ne suis pas loin de la retraite, et il fallait parallèlement que je mène cette activité.»

« Mon père ne m’avait pas donné son aval pour que j’aille poursuivre mes études à Dakar. Car la plupart des parents au village autrefois, avait des préjugées plus ou moins négatifs vis-à-vis de la capitale sénégalaise par rapport à la vie sociale et à l’éducation de base des enfants. »

« Ma réussite, je la dois à ma marâtre. Je ne me suis jamais senti orphelin à ses côtés car elle m’a considéré comme son propre fils et j’ai toujours cru qu’elle était ma mère biologique. »

« J’étais devenu majeur quand j’ai su que ma propre mère était décédée suite d’une maladie lorsque j’étais tout petit. Sachant qu’elle succombait de sa maladie, elle me confiât à sa coépouse pour qu’elle se charge de mon éducation. »

« Mes plus beaux moments d’enfant, c’est lorsque j’étudiais à l’école coranique. Le daara a façonné mon comportement sur la modestie, la patience, la considération à ses proches et à son environnement. »

« J’ai commencé mon business avec mes économies suivant le modèle familial, aussi une surface peu grande et que j’élargie au cours des années. »

« J’ai débuté par produire des fruits comme la banane et la papaye, puis j’ai diversifié ma production en investissant dans les cultures jardinières près de la Falémé qui me sert de source d’eau pour l’arrosage des plans. »

« Mon souhait, c’est d’être parmi les plus grands producteurs agricoles et participer activement à l’autosuffisance alimentaire de mon pays et de mon cher continent. »

« L’environnement de Kidira est de plus en plus dégradant avec la coupure de bois et l’élargissement des villages. Le réchauffement climatique et la pollution de l’eau de la Falém par les orpailleurs qui utilisent le mercure sont les problèmes majeurs des producteurs de la zone. »

« A cela s’ajoutent les problèmes de conservation de la récolte, l’insuffisance de la quantité d’engrais ainsi qu’aux moteurs à pompe à eaux qui facilitent les arrosages. »

Pas le temps de regarder des dessins animés

«A l’époque, je croyais que je pouvais tout faire en un claquement de doigts comme un magicien devant un spectacle.»

MARS 2023: KOUSSANAR

« Le souvenir qui m’a beaucoup marqué lorsque j’étais enfant, c’est quand ma mère me réveillait à 1h ou 2h du matin pour que je l’aide à transporter des paniers de poissons qu’elle achetait auprès d’un frigo qui venait de Dakar ou de Mbour. Après cela, je transportais les marchandises à l’aide d’une charrette que j’attachais à un âne, de la maison vers le marché à 6h du matin. Ensuite je retournais à la maison et préparais pour aller à l’école. Dès lors, je suis devenu jusque là un lève-tôt qui se couche tard la nuit. »

« Ma mère était la personne la plus importante de ma vie. Je l’aidais toujours dans ses activités, parce qu’elle n’avait pas de fille. Tous ses enfants sont des garçons. C’est à cause d’elle que je n’avais pas le temps de jouer au foot avec mes amis. Je faisais du sport lorsque j’étais enfant mais pas très souvent, et je n’avais pas le temps de regarder des dessins animés à la télé car je consacrais la majeure partie de mon temps à ma mère. Avoir l’habitude de travailler, être autonome des autres et aider à ceux qui sont dans le besoin, c’est l’influence qu’avait ma mère sur moi. Elle m’a toujours confié que l’humilité est une grande vertu.»

« L’année où j’étais en classe de 3e était le moment le plus marquant et difficile de ma vie, car ç’avait coïncidé à l’étape où j’étais adolescent et j’avais perdu ma mère. A l’époque, je croyais que je pouvais tout faire en un claquement de doigts comme un magicien devant un spectacle. Je commençais à faire l’école buissonnière et trouver une moto Jakarta pour faire du taxi. Je n’apprenais plus mes cours. Par conséquent, j’ai été exclu de l’école parce que je n’avais pas de bonnes notes. Malgré cela, j’ai pris conscient avant la fin de l’année et j’avais réussi l’examen pour aller au lycée. Maintenant j’ai eu le baccalauréat en sciences humaines et sociales.»

«Du début de mes études jusqu’au collège, je ne considérais pas qu’étudier était important. Mais après le décès de ma mère, toute ma vie était partie en vrille et les situations avaient changé. Il fallait que je me sacrifie pour changer la donne. J’étais dévoué à relever le défis pas pour moi seul, mais pour mes frères aussi et surtout pour le cadet. Aujourd’hui les études ont une forte influence sur ma personne. J’ose même dire que les études m’ont rendu économe et réaliste avec une bonne ouverture d’esprit.»

«Vivre dans une petite ville comme Koussanar est très compliqué, cela est une remarque de toute sa jeunesse. Mais en toute bonne foi, je crois qu’il y a toujours des choses à faire pour travailler. Car moi-même je me suis inspiré de la société pour créer mon propre business et régler quelques parts de mes soucis financiers. J’ai même fait quelques fois de la maçonnerie durant les grandes vacances scolaires pour acheter mes fournitures, lorsque j’étudiais au lycée de Kounghel. Je n’ai jamais eu l’idée de quitter le Sénégal pour un pays étranger. Toutefois j’avais l’objectif de m’engager dans l’armée pour servir ma patrie. »

«J’ai commencé mon entreprise en vendant des bonbons et des biscuits que j’étalais sur une table que mon ami m’avait prêtée. L’affaire marchait à merveille , et les gens me demandaient du café Touba. C’est de par-là que j’ai appris à préparer ce cocktail. De nos jours, je suis devenu un des plus grands vendeurs de café Touba à Koussanar et ses environs grâce aux marchés hebdomadaires comme celui de Maka, de Dawady et de Sinthiou Malème. Je me servais d’une part de cet argent pour payer mes inscriptions au lycée et aider mes frères.»

«L’importance pour réussir dans la vie, c’est de travailler et oser faire des investissements sur d’autres domaines. Il y a six ans, j’ai commencé à faire du business sur la vente du café Touba ; aujourd’hui j’investis sur l’aviculture. Alors j’ose imaginer que d’ici cinq ans mon entreprise s’élargira sur d’autres domaines et contribuera à la réduction du taux de chômage à Koussanar in sha’Allah. »

L’université de l’Amitié des Peuples

« Je me sentais très bien en Russie. J’avais une vie estudiantine merveilleuse et d’insouciance. Mais il y avait de la rigueur sur les études.»

NOVEMBRE 2022 : MAKACOLIBANTAN

« Aller étudier en Russie était un choix personnel que j’avais fait, un rêve que je voulais réaliser. La vie à Moscou n’était pas un fardeau pour moi, mais une perpétuelle découverte. Et ça m’avait donné l’opportunité de cohabiter avec d’autres personnes des nationalités différentes de la mienne comme les chinois, les japonais, les latinos, etc. Cela m’a permis de découvrir chaque jour de nouvelles choses tant si bien que je n’avais pas le temps de souffler. Je me sentais très bien en Russie. J’avais une vie estudiantine merveilleuse et d’insouciance. Mais il y avait de la rigueur sur les études. Par exemple si un étudiant n’a pas de bons résultats, on ne l’octroie plus la bourse pour les autres semestres. S’il a les moyens, il peut payer les cours pour continuer, mais même en payant la formation et qu’il ne fasse pas de bons résultats, il sera exclu.»

« Ce qui m’a marqué le plus chez les russes, c’est leur sens de patriotisme parce qu’ils aiment énormément leur pays. Ils peuvent toutefois critiquer la Russie, mais ils ne permettraient jamais ce droit à d’autres. Un russe peut attaquer un étranger parce que ce dernier lui a soutenu quand il critiquait son pays. Autre chose qui m’a beaucoup plu dans ce pays, c’est que tous les gens sont au même pied d’égalité. C’est un pays où on ne forme pas les gens pour être intellectuel qui passe tout son temps à jacter. La Russie forme les gens de manière pratique. J’y ai appris à être quelqu’un qui s’adapte vite à des situations dans n’importe, lequel des milieux de vie. »

« Personnellement je suis quelqu’un de très curieux, alors des expériences de vie j’en ai beaucoup. Par exemple à l’université de l’Amitié des Peuples, on nous prenait pour travailler au sein du campus. Chaque année l’université sélectionnait des étudiants pour les charger de repeindre tous les bâtiments de l’université qui a approximativement la taille de Maka ; et ces travaux nous étaient payés en mensualité. Je faisais aussi des jobs d’étudiant comme travailler dans des restos ou boîtes de nuit. Et cela m’a servi parce qu’à mon retour au pays, j’ai construit ma propre chambre et c’est moi-même qui l’ai peinte. Hormis ça, j’ai eu à acquérir des expériences en informatique, en gestion de projets. J’ai eu à travailler, ici au Sénégal, avec des petites organisations et également à travailler avec des services de collectivités locales en leur proposant des formations. »

« Parlant du travail, j’ai souvent une conception différente à celle des autres. Je ne pense pas que je suis trop important pour ne pas faire certains travaux. Je me suis toujours dit que  c’est moi-même qui dois faire le travail, mais ce n’est pas le travail qui doit me faire . C’est la personne qui donne de la valeur à une chose et non le contraire. Par exemple quand un homme travaille dans une boîte, ce n’est pas cette dernière qui valorise l’homme, mais c’est l’homme en personne qui doit donner de la valeur à son lieu de travail. Je m’en foutais pas mal de la pensée les autres, mais je me fiais de la manière dont je veux vivre ma vie. Je ne crois pas qu’on doit me privilégier sur les autres parce que j’ai étudié dans une université européenne, je trouve que cela est injuste. »

« Il y a des gens qui n’ont jamais été à l’école et qui n’ont jamais bénéficié de l’Etat. Alors que moi, mon pays m’a octroyé une bourse étrangère durant mes études. Je trouve que l’Etat m’a assez assisté et qu’il ne me doit plus rien. Et je trouve que c’est trop prétentieux de vouloir toujours trouver de l’emploi digne de sa formation. Les recrutements se font par profil et en nombre aussi. Et il faut que les gens comprennent qu’il y a trois chose sur l’emploi : soit on travaille pour quelqu’un qui te paye ou bien travailler pour l’Etat qui te paye aussi ou encore travailler pour soi-même . Mais dans tous ces cas, il y a ce que l’on veut, ce que l’on nous propose et ce que l’on peut faire . Par ailleurs, si on me propose ce qui ne me convient pas, j’ai le choix de le décliner et créer mon propre travail. »

Premiers mots

Ceci est un endroit pour les histoires personnelles des gens du Sénégal qui ont eu des réalisations et du succès dans leur vie.

Jusqu’à présent, ces histoires ont été pour la plupart inédites et invisibles.

Je m’appelle Chérif Cheikh Atab BADJI. J’ai créé le texte et les photographies que vous voyez ici. Mais ces histoires ne m’appartiennent pas.